Les personnes transgenres - Visibles ou toujours dans l'ombre ?
La transition de Bruce Jenner en Caitlyn Jenner a été beaucoup médiatisée outre-Atlantique. En effet, la star est connue pour avoir été non seulement champion olympique de décathlon, mais aussi marié à la mère des illustres sœurs Kardashian. En avril, il annonce sa transformation. Son histoire est partagée dans le monde entier et fait même la une de Vanity Fair.
Mais ne nous voilons pas la face, cela prend certes du courage de sauter le pas, mais c’est un véritable parcours du combattant pour les personnes transgenres. Loin de moi l’idée de critiquer Bruce/Caytlin Jenner, tant mieux pour lui et ce n’est pas parce qu’il est célèbre qu’il n’a pas connu les impératifs liés à cette transformation, c’est-à-dire psychologiques, identitaires, médicaux et administratifs.
Tout le monde ne s’appelle pas Bruce Jenner et la réalité est tout autre. Bruce Jenner a reçu le soutien de Bararck Obama, il va falloir attendre longtemps avant que notre président fasse la même chose ou que les médias montrent de façon plus positive des transgenres.
Lesbiennes et personnes transgenres même combats, avec une différence énorme quand même. Nous sommes plus acceptées et moins stigmatisées.
Voici ce que dit Karine Espineira (spécialiste de la représentation médiatique des transidentités)
Aux Etats-Unis, l'éclosion de stars trans comme l'actrice de la série Orange is the New Black, Laverne Cox, a initié un plus grand public à ces questions. Comment expliquez-vous qu'il n'y ait pas de personnalités trans aussi visibles en France ?
C'est lié à une différence de traitement médiatique. Aux Etats-Unis, depuis les années 1990, sont mises en avant dans les médias des personnalités trans qui sont des activistes, des intellectuels, des artistes. On fait appel à une forme d'expertise de leur part, sur le reste de la société et pas seulement sur leur propre existence. Quand on invite Laverne Cox, on lui demande à quoi ressemblera la nouvelle saison de sa série, et on lui laisse une tribune pour parler de la place des minorités dans la société américaine [Laverne Cox est noire].
En France, une personne trans vient forcément raconter sa transition, on lui demandera quel était son prénom d'avant et si elle a des photos, pas ce qu'elle pense du chômage ou de François Hollande. C'est un handicap, car dans une lutte pour l'égalité des droits, être toujours renvoyé à son histoire personnelle est très disqualifiant.
De l'extérieur, on a l'impression que les personnes trans sont en retrait au sein du mouvement LGBT. Est-ce une réalité ? Si oui, comment l'expliquer ?
Le soutien des trans aux luttes LGBT remonte à bien avant la mobilisation pour le mariage pour tous. Du coup, beaucoup de groupes trans se sentent un peu désabusés, parce que dès qu'on parle de leurs combats, il y a beaucoup moins de monde. L'argument qui revient toujours, c'est que le combat des LGBT concerne uniquement l'orientation sexuelle, et "qu'avec les trans, c'est compliqué". Et puis je crois que, même dans les milieux LGBT, où nous avons beaucoup d’alliés, l'incompréhension et la crainte que suscitent les personnes trans existent aussi.
Les combats des personnes homosexuelles et trans semblent aller de pair, elles sont réunies dans le sigle LGBT, mais est-ce vraiment le cas si leurs relations sont si compliquées ?
Il suffit de repenser au mouvement de libération homosexuelle dans les années 1960 aux Etats-Unis pour se rappeler que l'alliance existait. Les gays, les lesbiennes et les trans défilaient ensemble. Dans une société très binaire et hétéronormée, les personnes LGBT se retrouvent sur le fait que leur orientation sexuelle ou leur identité de genre ne correspond pas aux normes majoritaires, qui finissent par être imposées de façon parfois très oppressive aux individus.
J’ai des amies lesbiennes d’un certain âge qui ont connu les internements forcés par leur famille, et qui ont subi des électrochocs. La nouvelle génération gagnerait à se rappeler ce qu'ont vécu les personnes homosexuelles à une époque. Elles verraient pourquoi lutter ensemble n'est pas si hors de propos.
En France, les personnes désirant changer le sexe et le nom mentionnés sur leur état civil doivent, entre autres, justifier de leur identité de genre devant la justice, et avoir subi une opération stérilisante. Un parcours jugé humiliant et stigmatisant par les associations. La possibilité de changer plus facilement de genre auprès de l'état civil, et donc sur ses papiers, changerait-elle la vie des personnes trans ?
Une texte véritablement progressiste serait un texte qui autoriserait le changement d’état civil sans intervention de la justice ou de la médecine. Ce serait vraiment la clé qui pourrait déverrouiller beaucoup de choses. Le changement d’état civil, pour les personnes qui le souhaitent, ça veut dire l’accès à la santé, à l'emploi, au logement [car beaucoup y renoncent de peur de subir des refus violents et humiliants, des propos ou des actes transphobes], la fin d’un certain nombre de discriminations administratives, que ce soit à la sécurité sociale ou au bureau de poste.
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